mardi 16 juillet 2024
Alain Laliberté

Alain Laliberté

Alain apporte une richesse de connaissances dans le monde du vin. Il est titulaire d’un diplôme universitaire en dégustation professionnelle de la Faculté d’œnologie de l’Université Bordeaux II et d’un certificat en gestion hôtelière de l’ITHQ. Il a également été stagiaire au Château Rauzan-Ségla à Margaux. Il a enseigné à l’ITHQ, à George Brown College et Humber College à Toronto ainsi qu’à l’École hôtelière de la Capitale à Québec... Lire la suite...

J’avais initialement décidé de passer outre les vins nouveaux cette année. Un appel téléphonique a bouleversé mes plans lorsqu’un recherchiste de la radio française de Radio-Canada à Toronto (860 AM) m’a demandé si j’étais à l’aise de parler des vins nouveaux en ondes. J’ai donc acquiescé considérant que j’avais déjà connu mes instants de gloire (!) en 2002 et 2003 comme chroniqueur vin hebdomadaire à la même station. Enfin, afin de faire pour vrai, l’équipe de l’émission Au-delà de la 401 me demandait d’apporter les vins pour déguster en direct.

Du Beaujolais? Merci, je tiens à ma santé.

Réponse maintes fois entendue par une majorité qui affiche son mépris. Mais alors qui boira les milliers de bouteilles étiquetées « beaujolais nouveau »?

Depuis jeudi dernier 18 novembre, le consommateur recherche ces fameuses bouteilles puisque Beaujolais Nouveau rime avec fête, comme si on avait besoin d’une raison pour festoyer. Cette fête a été l’une des plus belles réussites publicitaires et commerciales de la fin du vingtième siècle. Tous les cafés, restaurants, bistrots célèbrent le vin nouveau en France, bien sûr, mais aussi partout dans le monde. Autrefois, dans la région du Beaujolais, on buvait en famille le vin nouveau le 11 novembre, jour de la Saint-Martin. À partir de 1918, cette date fut consacrée à d’autres célébrations que la fête régionale des vignerons. On essaya d’instituer le 15, mais une date fixe peut tomber un samedi ou pire, un dimanche, ce qui n’est pas idéal pour les affaires. En 1984, la journée de la fête du vin nouveau fut fixée : on s’arrêta sur le troisième jeudi du mois de novembre.

En 1968, à l’instigation de quelques vignerons et du négociant Georges Duboeuf, le phénomène « primeur » déferle sur toute la France et hors des frontières. Depuis, ce troisième jeudi de novembre prend des allures de fête nationale.

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Le Beaujolais Nouveau 2010

Les trois vins dégustés en ondes présentaient des robes moyennement profondes aux reflets violacés et une bonne intensité de fruits mûrs. En bouche, la vivacité, la fraîcheur et la netteté du fruit caractérisaient ces vins souples et légers. Le Mommessin Beaujolais Nouveau 2010 (897934 13,95 $) avec son nez de bonbon anglais pèche par son caractère anémique et fuyant. Le Joseph Drouhin Beaujolais-Villages Nouveau 2010 (113266 14,95 $), soutenu en couleur et un peu plus ample, demeure moyen dans l’ensemble. Quoique plus intéressant parce que plus en chair et mieux balancé, le Georges Duboeuf Beaujolais-Villages Nouveau 2010 (932780 14,95 $) est bien, mais un peu cher si on considère que plusieurs autres vins offrent plus de nuances et de profondeur pour le même prix ou mieux, moins cher.

Considérant les Beaujolais Nouveau 2010 offerts à la LCBO, la qualité d’ensemble est très moyenne. Mais même exceptionnel, le vin nouveau ne sera jamais que ce qu’il est : un petit vin. Un vin de soif qui chatouille les papilles. Il n’a pas à être bon; il est comme la galette des Rois, le chocolat à Pâques et les mots d’amour de la Saint-Valentin.

Qu’est-ce qu’un vin nouveau?

Un vin nouveau doit être le résultat de la fermentation du jus de raisin frais de la dernière récolte et avoir complété toutes les étapes de la vinification. De plus, il doit respecter les normes de la région productrice et être commercialisé immédiatement après la fin de la vinification et après l’obtention de l’agrément de commercialisation.

La macération carbonique est une méthode originale de vinification à partir de grappes entières et intactes afin d’obtenir tout le fruité, tous les arômes du raisin. C’est une technique qui consiste à placer les raisins entiers dans une cuve saturée de gaz carbonique.  Au sommet de la cuve, les baies intactes baignent dans du CO2, sans présence de jus. Au milieu se retrouvent du jus, des baies intactes et écrasées. Au fond de la cuve, du jus est libéré par écrasement d’une partie des raisins.

En haut de la cuve, la présence de gaz carbonique interdit le développement des levures et donc la fermentation alcoolique. Dans ces conditions, il va s’effectuer une fermentation intracellulaire provoquée par des enzymes du fruit. Durant cette phase, l’activité enzymatique conduit à la production d’une faible quantité d’alcool, de l’ordre de deux degrés, par dégradation d’une certaine quantité de sucre. Cet alcool favorise la dissolution des constituants de la pellicule : les arômes, les tanins assurant la structure du vin et les anthocyanes assurant la couleur se diffusent dans la pulpe. Parallèlement, des arômes de fermentation, dont l’acétate d’isoamyle, cette fameuse odeur de banane, apparaissent.

Cette transformation théorique ne concerne en fait qu’une partie des raisins mis en cuve puisque malgré toutes les précautions prises pour mettre des raisins entiers dans la cuve, une partie de ceux-ci sont écrasés au cours du remplissage et libèrent une certaine quantité de jus dans lequel intervient une fermentation alcoolique classique. La macération carbonique dure traditionnellement de trois à six jours. Après ces quelques jours, les raisins sont foulés et abandonnés à une fermentation alcoolique normale.

Les Beaujolais sont blancs, rouges, rosés. Ce sont les enfants chéris du Gamay, ce raisin qui, planté sous d’autres cieux si ce n’est la Touraine ou la Savoie, ne donnera pas grand-chose de bon. Inversement, une autre variété plantée en Beaujolais verra le résultat décevant.

Sélections d’achat

A suivre.

Alain laliberté- Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

« Nous recevons ce soir et j'aimerais servir un vin blanc avec l'entrée et un rouge avec la viande. Auriez-vous une suggestion pour cette occasion? », demandait le client au conseiller en vin. Ce dernier, après s'être informé des plats, du type de préparation et du budget, s'est dirigé vers les vins alsaciens. En passant devant les vins de Bordeaux, il s'étire le bras vers un précieux flacon et le tend au client qui, le regard inquiet, demande s'il est fruité.

Combien de fois entendons-nous cette remarque? Chaque fois, je me retiens parce que le temps du client est précieux et qu'il n'en a rien à foutre, la plupart du temps, de la nuance. Je me retiens parce que les deux minutes à expliquer l'embêteraient et que, de toute façon, je m'occupe de ce qui me regarde.

Mais à bien y penser, ça me regarde! N'ai-je pas opté pour ce travail dans le but d'éduquer le consommateur à boire mieux? Et boire mieux signifie déguster et apprécier sans pour autant discourir.

Alors, autant vous le rappeler. Fruité ne signifie pas sucré. Puisque la plupart des consommateurs ont commencé avec des vins contenant une certaine quantité de sucre résiduel comme les vins allemands, et que ceux-ci offrent beaucoup sur le plan aromatique, il n'y a qu'un pas à franchir et la confusion s'installe. Il suffit de passer une fin de semaine derrière un kiosque de vins alsaciens à un salon des vins pour constater l'idée fausse qui habite le consommateur. La forme de la bouteille, la flûte, suffit pour nuire aux superbes vins rhénans et autrichiens.

Simplement, la saveur sucrée est un stimulus que perçoit le goût et qui est reconnu sur la pointe de la langue alors que le fruité se perçoit à l'odorat. Prenons le cas d'une personne grippée et congestionnée à qui on offre une fraise, sans la lui montrer et sans lui dire. Une fois en bouche, la perception sera tactile puisque les fibres nerveuses situées au bout de la langue seront excitées. Si ce n'est la forme et la texture connues de la fraise, la personne ne pourrait dire ce qu'elle a en bouche puisque les arômes du fruit ne peuvent être perçus. Nous avons ainsi isolé le sucré du fruité.

Une fois remise et guérie, cette personne percevra non seulement la saveur sucrée, mais aussi le caractère fruité, c'est-à-dire aromatique, du fruit. Et ce, par voie rétronasale (Il y a un carrefour où se rejoignent l’arrière-bouche et le nez. En aspirant délicatement de l’air, les arômes du vin ainsi aérés ajouteront une impression de volume dans la bouche). Pourvu que cet arôme soit connu du sujet, il pourra identifier la fraise.

Ainsi donc, tous les vins sont sucrés en jeunesse (lors de la fermentation) puisqu'ils ne peuvent renier leur origine : le raisin. La majorité des vins rouges, en excluant les vins fortifiés et mutés, sont secs. Dans le cas des vins blancs, la plupart sont vinifiées en sec, mais il existe quelques exceptions comme les vins moelleux (Sauternes, Loupiac, Bonnezeaux, etc.) et le Gewürztraminer (un cépage alsacien de faible acidité et riche en sucre).

Exception faite des vins allemands identifiés par le taux de sucre résiduel sur l'étiquette (Kabinett, Spätlese, Auslese, Beerenauslese, Trockenbeerenauslese) et quelques vins avec l’indication « demi-sec ou off-dry », aucune mention, si ce n'est l'appellation d'origine, n’identifie un vin « sucré ».  Notons que le jargon de la dégustation qualifie ce type de vin de doux ou moelleux.

Opinion : Fromages et vin rouge ne font pas bon ménage

Le squelette, l’épine dorsale du vin rouge, demeure le tanin. Pour les vins rouges légers et coulants, l’acidité supporte le vin qui gagne à être servi frais, comme un vin blanc. Quiconque veut bien faire paraître un vin n’a qu’à le faire goûter avec du fromage. Il existe d’ailleurs un proverbe qui dit : « acheter du vin sur des pommes et le vendre sur du fromage ».

Riche en protéines et en lipides, le fromage constitue une bonne source de vitamines, de matières grasses et de sels minéraux. Il se compose de lait, de ferments et d’assaisonnements. Son goût varie selon les caractéristiques de ces éléments et la méthode de fabrication utilisée.

La plupart du temps, après le repas, la majorité des gens sert un vin rouge tannique et bien charpenté. Maintenant, le porto a la faveur. Le fromage gomme ces vins à la structure imposante en enrobant le tanin de ses protéines. Le vin paraît alors mince et quelconque.

Pourquoi ne pas marier un vin blanc sec dont l’acidité tranchera ce gras du fromage?

La majorité des vins blancs s’acoquinent mieux avec le fromage. Pensons aux mariages régionaux tels un crottin de chèvre et le Sancerre, qu’on peut très bien remplacer par un sauvignon blanc sec et nerveux; le Munster, un fromage puissant, et le Gewurztraminer, tout aussi flamboyant; les pâtes persillées, au goût sec et salé, et les vins blancs moelleux, gras et sucrés, contrastent tout autant.

Il faut oser puisque non seulement l’accord y gagne, mais le fait de servir un vin blanc en fin de repas rafraîchit en plus de surprendre.

P.-S. Les fromages fermes adorent aussi le vin rouge.


GOUTTE À GOUTTE

La livraison Vintages du 27 novembre
est tout simplement époustouflante. Pour preuve, je recommande les vins suivants cette semaine. Je poursuivrai aussi la semaine prochaine.

Ca’ dei Mandorli Le Donne dei Boschi Brachetto d’Acqui 2009 (Vintages 30536 17,95 $) En mai 2007, j’accompagnais un groupe d’amateurs de vin dans un périple au nord de l’Italie. Étant allé dans le Piémont à plus de dix occasions, j’encourageais alors chacun d’avoir l’esprit ouvert puisque plusieurs spécialités locales demeurent effectivement et malheureusement locales. Le Brachetto d’Acqui est léger avec ses 5,5 % d’alcool et ses odeurs aériennes de fraise. Puisque tout le sucre naturel du raisin n’a pas fermenté, le vin présente une agréable douceur en attaque. Le caractère légèrement effervescent ou frizzante en italien provient de la fermentation et ne constitue pas un ajout de gaz carbonique. Très frais, le vin rouge rosé désaltère efficacement en laissant une fin de bouche bien nette. Tout simplement divin avec un bon chocolat noir. ***(*) $$

Domaine Galévan Paroles de Femme Côtes du Rhône 2007 (Vintages 125930 15 $) Issu d’un grand millésime, ce vin rouge de grande valeur en donne plus que le client s’attend à recevoir pour quinze dollars. Serré et puissant, ce vin a du nerf et fouette vigoureusement le palais. Campé sur une structure racée soutenue par des tanins de velours, ce vin dominé par le grenache voit un beau fruit insistant et persistant au nez comme en bouche compléter l’ensemble. ***(*) $($)

Fattoria dei Barbi Brusco dei Barbi Toscana 2007
(Vintages 673160 13,95 $) Impeccable! Un bon sangiovese de tous les jours un peu évolué en couleur et en odeurs avec des notes de terre et animales combinées à des relents floraux et de fruits rouges. De bonne valeur, l’ensemble est bien équilibré avec des tanins souples et une fraîche acidité. Tenue droite, moyen corsé et longue finale. *** $($)

Allegrini Palazzo della Torre Veronese 2007 (Vintages 672931 25 $) Robe rubis violacé profond et soutenu. Le vin respire intensément un usage judicieux du fût bien intégré dans un fruit (cerise noire) appuyé par des nuances anisées, animales et torréfiées. Cet assemblage de corvina et de rondinella, raisins traditionnels du Valpolicella, et de sangiovese, plus connu pour son rôle prédominant dans le Chianti, a du coffre, de la chair et plein de sève. Substantiel et riche, dense et nerveux, il a été produit un peu comme l’Amarone avec près du tiers des raisins bien mûrs séchés à l’air. Enfin, puisqu’il y a une fin, la finale aromatique persiste et dure plus d’une minute. Aucune hésitation. On décante deux jours avant le service ou on le garde encore cinq ans. **** $$($)

Taja Jumilla Gran Reserva 2003 (Vintages 539148 18,95 $) Un vin rouge espagnol mûr et parfaitement à point issu d’un millésime torride. Harmonieux, ce vin qui embaume le tabac et le chocolat au premier nez voit les fruits noirs un peu cuits prendre la relève aromatique. Corsé, assis sur des tanins fondus, le vin coule et glisse pour le bonheur des amateurs de vins et de jeux de société ou juste pour le plaisir de siroter un bon vin à point. ***(*) $$

Pour les amateurs de vin blanc

Domaine J. Laurens Les Graimenous Crémant de Limoux Brut 2007 (Vintages 183609 17,95 $) Une mise en garde s’impose à cause de l’imposante et explosive mousse de ce Crémant de Limoux brut. Une gorgée, et le gaz carbonique se déchaîne au palais. Sec, bien vif et franc, il constitue la mise en bouche par excellence. ***(*) $$

Hidden Bench Estate Chardonnay Beamsville Bench VQA 2007 (Vintages 68817 35,20 $) Sortez les meubles; le vin prend toute la place. Riche et ample, puissant et bien frais, le vin respire le beurre et la noisette. Tout le fruit a digéré le bois. Long et minéral, ce chardonnay tiendrait la comparaison qualitative avec d’excellents vins blancs de la Côte de Beaune. Sans le prix! **** $$$

Schloss Schönborn Hattenheimer Pfaffenberg Riesling Kabinett 2008 (Vintages 70946 18,95 $) Yummy! Léger, demi-sec, acidité vive, rond, souple et droit. Tour en harmonie et persistant. La magie allemande qui fait que la demi-douceur d’attaque fait place à une finale vive qui rappelle un vin sec. Que c’est bon! ***(*) $$

Feudi della Medusa Albithia Vermentino di Sardegna 2006 (Vintages 199224 17,95 $) Tout d’abord, ce vin n’a pas vu le bois. Les amateurs de vins blancs secs puissants et étoffés en ont plein la bouche. Voici un bel exemple d’une robe qui, par ses reflets jaune vert étincelants et son cœur moyennement soutenu, confirme que la substance et le support y sont. Très beau vermentino sec, intense, soutenu et vibrant. **** $$


Sortez des sentiers battus et découvrez ces vins produits avec des cépages moins connus. Vous aurez noté, chers lecteurs, que je laisse aux autres chroniqueurs le soin d’analyser les cabernet sauvignon, merlot, shiraz, chardonnay et pinot grigio. À moins qu’un de ceux-ci ne se démarque singulièrement, je vous invite à découvrir les raisins moins connus sans grand risque puisque j’ai dû embrasser plusieurs grenouilles avant de trouver la princesse. Et dire que plusieurs croient que je m’amuse lorsque je déguste au-delà de cent vins le vendredi matin.

L’évaluation
*  :   Banal
** : Honnête
*** : Très bien
**** : Excellent
    ***** : Le 7e ciel
(*) : Équivaut à une demi-étoile
♥♥♥ : Coup de coeur

Les prix
($) : jusqu’à 9$
$ : jusqu’à 13$
$($) : jusqu’à 17$
$$ : jusqu’à 24$
$$($) : jusqu’à 30$
$$$ : jusqu’à 40$
$$$($) : jusqu’à 50$
$$$$ : jusqu’à 70$
$$$$($) : jusqu’à 110$
$$$$$ : plus de 110$

Alain Laliberté
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lundi, 22 novembre 2010 19:03

Le vignoble Ontarien béni des Dieux

Après une absence de quelques semaines, me voici de retour avec une belle histoire. J'aurais pu l'inventer sauf qu'on ne m'aurait pas cru. 

Septembre 2010; déjà une décennie qui tire à sa fin. Il me semble que je célébrais l’arrivée du nouveau millénaire il y a seulement quelques années. Pas dix ans déjà!

Au cours de cette période, Bordeaux a déjà connu deux années du siècle avec 2005 et 2009. Les vignerons ontariens ont, quant à eux, connu une année considérée supérieure en 2002 alors que 2007 demeure non seulement la meilleure année depuis 1998, mais possiblement le meilleur millésime qu’ait connu la péninsule du Niagara depuis la création du label VQA en 1988.

Ces millésimes du siècle résultent d’un ensemble de conditions favorables qui débutent avant le débourrement, c’est-à-dire l’apparition des premières feuilles. Au cours de sa vie, la vigne connaîtra soit des hivers de gels et des froids glacials soit des températures froides, mais relativement clémentes. Dans le premier cas, même si le pied de vigne a été recouvert de terre pour protéger du gel, certaines variétés comme le merlot demeurent plus sensibles au gel. Les risques de gel, toujours présents jusqu’au mois de mai, peuvent anéantir le potentiel d’une récolte. Dans les cas extrêmes, la vigne peut mourir.

Une température froide, mais clémente qui s’adoucit surtout vers la fin de février et au mois de mars peut voir la vigne démarrer son cycle climatique. Après un printemps favorable, la floraison en juin demeure l'étape cruciale. La pluie, le vent et le froid ralentissent voire annihilent le travail des insectes butineurs. Cette étape détermine la quantité de fruits potentiellement récoltée cent jours plus tard.

En juillet et août, la vigne requiert chaleur, soleil et temps sec. Une bonne averse limitera le stress hydrique de la plante. Avec de bonnes réserves en eaux souterraines, la vigne trouve son bonheur.

Août fait le moût. La combinaison entre la luminosité et la chaleur durant le jour et une fraîcheur nocturne favorise la maturité de bons raisins. Jusqu'au mois d'août, les petits fruits sont verts, acides et durs. Au cours de la véraison, les raisins prennent une couleur jaune ou vert pour les raisins blancs et une couleur rouge, bleu ou noir pour les raisins rouges. La on  du raisin change aussi au cours de la maturité alors que l'acidité diminue et le sucre augmente. La baie devient aussi plus souple, plus malléable.

Avec de telles conditions jusqu'aux vendanges, la récolte promet d'être belle. Le danger qui guette le vigneron demeure les maladies et la pourriture. Moins les soins apportés à la vigne sont importants, meilleures sont les probabilités de belle récolte.

Les conditions climatiques de l'année 2010 jusqu'à aujourd'hui demeurent exceptionnelles. L'hiver a été doux. La température en avril rappelait l'été. Les trois premières semaines de mai ont été froides et pluvieuses. On connaît la suite.

Depuis trois semaines, je goûte (et je savoure) les raisins au marché public. Des raisins de table ontariens, on s'entend. Non seulement sont-ils sucrés et délicieux, ils débordent d'arômes de raisins purs. Chaque semaine, je dois limiter mes enfants âgés de 3 et 5 ans qui s'empiffrent littéralement sans regarder la couleur des raisins. Ils les mangeront à la maison.

Le millésime 2010 est excitant. Tout y est pour que le vignoble ontarien de Pelee Island et du comté d'Essex près de Windsor jusqu'à Prince Edward County en passant par la péninsule du Niagara produise les meilleurs vins de son histoire. Toutefois, comme je l'ai si bien appris, tant que la vendange n'est pas rentrée, tout cela demeure hypothétique. Et tant que le vin n'est pas fini et mis en bouteille, on ne peut que rêver. A moins de visiter quelques producteurs en s'annonçant d'avance et demander à goûter les vins en cuve ou en barriques.

DES VINS À PETITS PRIX

Après avoir visité la vallée d’Okanagan à quelques reprises et dégusté passablement de vins produits dans cette région négligée du monde, il est dommage que des règles monopolistiques dépassées interdisent une libre diffusion au Canada des vins et cidres produits au Canada. Ainsi les vins ontariens auraient accès à un marché beaucoup plus large. Les vins Britanno-Colombiens quant à eux vendent plus de 90% de la production dans la province.

Il faut boire et reboire le Gray Monk Pinot Gris Okanagan Valley VQA 2008 (Vintages 118638 19,95 $). Plutôt corsé et savoureux en attaque, le vin embaume le miel, la poire et la nectarine. Bien dodu et rond avec une franche vivacité qui nettoie bien la bouche, ce vin blanc sec tient la route (sans pour autant le boire au volant), persiste longuement de l’attaque à la finale. Délicieux, il s’avère une valeur indéniable pour accompagner le saumon fumé et son bagel ou une frittata un dimanche matin de novembre. ***(*)

Marchetti Verdicchio dei Castelli di Jesi Classico 2008 (Vintages 104869 12,95 $) Une perle qui vaut grandement son prix. Floral au nez, la bouche suit avec des nuances de pomme et de poire. Moyen corsé, le vin déploie rondeur, souplesse et fraîcheur. L’acidité assure la tenue alors que la finale présente une très légère amertume en finale. Grillez un simple filet de poisson dans la poêle et réservez. Sauter des oignons verts et déglacer au vin blanc. Servir avec du riz. Rapide, nourrissant et simple. Excellent prix pour ce verdicchio. ***

Quelle belle surprise que ce Beaujolais-Villages du Domaine de la Madone Le Perréon 2009 (Vintages 981175 13,95 $) vendu au même prix voire moins que les vins nouveaux vendus en novembre. Violacé soutenu plutôt profond, ce vin de gamay respire intensément la cerise noire et, avec aération, déborde les fruits rouges fraîchement cueillis. Souple, la bouche suit, pure, harmonieuse et moyennement corsée. Éclatant, assis sur de tendres tanins fins, le vin est gourmand, désaltérant et de bonne longueur aromatique. Quel plaisir de boire un Beaujolais qui a une certaine substance et du fruit, encore du fruit. Servir frais à 13°, 14°C. Aucune hésitation. ***+

Apollonio Copertino Rosso 2004 (Vintages 23226 16,95 $) a une robe grenat soutenu qui, jumelée aux odeurs et arômes évolués de prune, cuir et de sous-bois laisse entrevoir un vin évolué. Rien ne laisse entrevoir la puissance, l’extraction et la substance qui se cache dans l’harmonie d’ensemble : superbe vivacité, nerf et tenue. Du negroamaro pour sortir des sentiers battus. ***(*)

Murgo Etna Rosso 2008 (Vintages 180208 13,95 $) Issu de nerello mascalese (90%) et nerello mantellato pour le reste, ce vin grenat léger en couleur et prêt à boire sent le renfermé, les fraises, l’œillet et des notes de poivre. Souple et droit, vif et moyennement corsé, ce vin persistant en offre plus que le client en demande. Longue persistance aromatique. ***(*)

Alain Laliberté
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Quatre jours sans interruption ne suffiraient pas à compter ce qui pourrait être la plus grande collection d'étiquettes de vin au monde.

Alain Laliberté, qui réside à Toronto (il habite maintenant à Québec), possède environ 160 000 étiquettes de vin, soigneusement rangées dans 123 boîtes à chaussures. Il a contacté le Livre Guinness des records car il est convaincu qu'il en possède suffisamment briser le record actuel de 16 349 étiquettes.

Sa passion l'a conduit en fin de semaine dernière à présider le jury du premier concours d'étiquettes organisé en marge de la Sélection mondiale des vins à Québec. Le prix a été attribué, parmi 81 candidats du monde entier, au vin de glace de l'Ontario, Coldhearted Riesling 2007.

Certains producteurs de vin mettent beaucoup de soin dans la conception de leurs étiquettes et ce concours vise à leur rendre hommage.

«C'est intéressant que certaines personnes trouvent un intérêt à ces petits bouts de papier, dit M. Laliberté, qui a une formation de sommelier. Certaines sont de petites oeuvres d'art.»

Le précurseur en matière d'étiquette est le baron Philippe de Rothschild.

Depuis 1924, l'étiquette de son fameux Mouton Rothschild est confiée à un artiste renommé, et cette tradition continue de nos jours. Miro, Chagall et Picasso y ont pris part. Le prix d'une bouteille peut aller de quelques centaines à plusieurs milliers de dollars.

alain laliberte bouteilles 

Cliquez sur l'image pour voir l'entrevue

Originaire de Québec, M. Laliberté vit maintenant à Toronto. Il a étudié à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec avant d'entreprendre, en 1995, un programme dédié à la dégustation à Bordeaux, en France.

À ce moment, il commence à relever les étiquettes sur les bouteilles de vin, puis à écrire aux producteurs pour leur demander de lui envoyer de nouveaux exemplaires.

Désormais un spécialiste du vin, il accumule les bouteilles dans son four pour en retirer les étiquettes.

Mais c'est il y a quelques années seulement que sa collection prend de l'ampleur quand il hérite de 125 000 étiquettes au décès d'un de ses amis collectionneur.

Il contacte alors le Guinness des records.

Cependant sa collection n'a pas encore été enregistrée parce qu'il doit fournir le nombre exact d'étiquettes qu'il possède. Il a bien l'intention de les compter bientôt, mais cela lui prendra plus d'une centaine d'heures.

«Je pourrais en compter 20 000 et m'asseoir sur le record», dit-il, mais ce n'est pas son intention.

Pour le Guinness des records, M. Laliberté a extrait tous les doublons qu'il pouvait avoir. Il a classé les étiquettes par pays et parfois par thème. La classification est faite de telle sorte qu'il puisse retrouver n'importe quelle étiquette dans les piles de boîtes à chaussures réparties dans son condo.

Certes, il n'a pas goûté à tous ces vins, mais avec une moyenne de 5 000 dégustations par année, Laliberté n'est pas loin du compte.

alain laliberte nb

Parmi ses pièces maîtresses, on trouve des ébauches de l'étiquette du Château Rauzan-Ségla, un vin de Bordeaux, des étiquettes jamais commercialisées dont il n'existe qu'un exemplaire de chaque.

La plus vieille étiquette de sa collection est allemande et date de 1859.

Certaines font référence à des pays qui n'existent plus comme la Yougoslavie, d'autres encore proviennent de pays que l'on ne soupçonne pas de produire du vin comme l'Éthiopie ou l'Égypte.

Certaines étiquettes représentent des animaux, des fleurs, des sports, certaines sont des oeuvres d'art alors que d'autres sont grivoises.

Cette collection ne sera jamais terminée: actuellement, M. Laliberté est à la recherche d'étiquettes de vin de Suède.

«C'est fascinant, dit-il. Ça m'a permis d'apprendre le vin: sa culture, sa géographie, son histoire.»

Mais les étiquettes ont également un rôle à jouer dans la commercialisation du vin.

Un professeur de marketing de l'Université polytechnique des Marches, à Ancône, en Italie, écrit que de simples changements sur les bouteilles peuvent avoir de grandes conséquences sur les ventes.

Dans l'article L'importanza dell'etichetta (L'importance de l'étiquette) de son blogue Officinamarketing, Gabriele Micozzi dit que dans certains cas, il y a une augmentation pouvant aller jusqu'à 169 % du chiffre d'affaires quand le l'apparence est modifiée.

«C'est du marketing, dit M. Laliberté. L'étiquette d'un vin ne dit rien sur le contenu de la bouteille, de même que le prix du vin n'a aucun rapport avec sa qualité.» Cependant, il admet que de plus en plus le choix du consommateur se fait par l'étiquette.

Un autre sommelier mentionne que pour lui, il est évident que l'étiquette joue un rôle important dans le commerce de détail.

«Les compagnies, par leurs étiquettes, se positionnent sur le marché», dit Martin Lefebvre, sommelier au restaurant XO dans le Vieux-Montréal.

«Les appellations classiques ont tendance à être très conservatrices alors que les nouveaux producteurs vont faire des étiquettes plus «flyées» pour leur premier vin.»

L'étiquette joue aussi un rôle lors de l'importation de vin, notamment au Québec, où, selon M. Lefebvre, la Société des alcools du Québec a récemment refusé des vins de plusieurs domaines français parce qu'il y avait de la nudité sur l'étiquette.

L'une des étiquettes, portant le nom « Montre Cul », a apporté une référence ludique au mot français grossier désignant les fesses. Ainsi fut le rôle joué par l'aspect artistique de l'étiquette, bien sûr.

Source: Global News du 6 juin 2013

Version française: La Presse Canadienne

NOTE DE L’ÉDITEUR

Alain Laliberté est notre correspondant chroniqueur, basé à Québec.

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